Publié par: Ali Babale: SOURCE:Afrique/Asie
Aujourd’hui, plus encore qu’hier et moins que demain au rythme où vont les choses, nos démocraties – essentiellement occidentales au sens large du terme – vivent sous le joug de la tyrannie des minorités. Se retranchant derrière une conception à géométrie variable de la protection de prétendus droits de l’homme (1) ces minorités, aussi vocales qu’agissantes imposent leurs Diktats absurdes et illimités à une majorité qui n’en peut mais.
Par Ali Baba
Il ne se passe pas une journée que Dieu fait sans que nous découvrions de nouvelles demandes reconventionnelles d’octroi de nouveaux droits (de l’homme, des femmes, des LGBTQI, des minorités religieuses, racialistes, des grands, des petits, des gros, des maigres, des chevelus, des chauves, des opprimés professionnels…) fondées sur une approche essentiellement victimaire. C’est au tour de l’historien essayiste, Jacques Julliard de tenter de démonter cette mécanique folle qui tourne à plein et de dénoncer les risques que font courir à notre bien le plus cher, la démocratie, ces thuriféraires d’une conception baroque des droits de l’homme(2). Comme par un effet de vases communicants, nous assistons à un élargissement indéfini du périmètre du concept flou, pour ne pas dire impressionniste de droits de l’homme corrélatif à une rétrécissement continu de la pratique réelle de la démocratie.
ÉLARGISSEMENT INDÉFINI DU PÉRIMÈTRE DU CONCEPT FLOU DE DROITS DE L’HOMME
Deux constats s’imposent de manière liminaire. Le premier est que cette démarche nous vient, comme cela est presque naturel, d’Outre-Atlantique où le politiquement correct tient le haut du pavé depuis plusieurs décennies. Le second est qu’elle possède une fâcheuse tendance à se développer dans le corps social à la manière de métastases dans le corps humain depuis belle lurette (3). La prolifération des cellules malignes est parvenue à un tel point critique que toute exérèse serait vaine, que toute chimio ou radiothérapie même lourde serait inutile, voire contreproductive. Quelles sont les manifestations du phénomène dans la société française ? Elles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus visibles. Il est impossible d’en dresser un inventaire exhaustif tant la pratique est tentaculaire. Jacques Julliard décrit parfaitement le phénomène ainsi : « Les droits de l’homme de sont plus du tout un idéal mobilisateur d’émancipation mais une police d’assurance dont les clauses de sauvegarde tendent à se multiplier ». À tel point que nous nous interrogions récemment sur le point de savoir si la patrie des droits de l’homme n’était pas devenue la patrie des droits des minorités (4). Bornons-nous ensuite à reprendre quelques exemples qu’il fournit pour éclairer notre lanterne ! Jacques Julliard évoque une tendance à l’allongement des droits reconnus et revendiqués qui excèdent la vie politique pour atteindre la vie sociale. L’exemple le plus frappant concerne le domaine du genre, élargi au genre, « l’un des gisements les plus riches du droit-de-l’hommisme moderne ». Défendu par des lobbies de plus en plus revendicatifs, il concerne le droit d’un homme à être reconnu comme femme sans prendre en compte les critères biologiques. Autre dérive inquiétante, celle qui porte sur la « race » avec la volonté de traquer tous les relents du racisme dans les esprits et dans les institutions. Cette approche conduit à un contre-racisme intolérant, plus encore que le racisme. Le résultat est là. Nous assistons au développement du « principe d’illimitation » (Jean-Claude Michéa) qui conduit au primat absolu des subjectivités, autrement dit au communautarisme et à l’individualisme. Cette démarche s’accompagne d’une manie inquiétante de repentance (avec l’Algérie), d’excuses (avec le Rwanda après la publication du rapport Duclert) (5), d’actes de contrition (avec toutes les minorités victimaires actives dans les médias), y compris pour des phénomènes remontant à la nuit des temps. Alors que les droits fondamentaux, au sens classique du terme, se résumaient hier à la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression, aujourd’hui, il s’agit d’un inventaire à la Prévert, une illimitation des droits individuels qui débouche sur « une guerre de tous contre tous par avocats interposés » (6).
Plus grave encore est la répercussion négative de cette démarche sur la qualité de notre démocratie.
RÉTRECISSEMENT CONTINU DE LA PRATIQUE RÉELLE DE LA DÉMOCRATIE
Tout d’abord, cette dérive débouche sur une judiciarisation exponentielle des droits sociaux qui nous vient d’Amérique et aboutit à une véritable « décivilisation ». Le citoyen songe à demander des comptes à la République et, au besoin, des dommages et intérêts chaque fois qu’ils sont touchés par des fléaux naturels. On ne demande plus au président de la République de guider les Français mais de les protéger. Ensuite, faute de donner la parole à la majorité, l’on met l’état de droit en danger. C’est une véritable crise que la démocratie française traverse aujourd’hui tant l’écart se creuse entre le mot et la chose. Mais, toute action entraîne une réaction contraire sur laquelle il convient de s’arrêter. « La conséquence de ce développement de l’humanisme universaliste, c’est une violente réaction de la majorité silencieuse. Des années de déconstruction droit-de-l’hommiste dans les universités américaines ont eu pour conséquence indirecte l’avènement de Trump et du trumpisme dans la société civile. Tout indique que la France est sur la même pente, comme la prochaine élection présidentielle risque fort de le démontrer. L’Unef à l’université, Le Pen à l’Élysée ! ».
À ce stade, une conclusion importante s’impose : Il est grand temps d’arrêter les frais. Par ailleurs, plus grave encore, « la dénaturation des droits de l’homme qui se déroule sous nos yeux, et qui les ramène de la catégorie de l’universel à celle du particulier, est une menace pour la démocratie ; elle tend à substituer la souveraineté du peuple à la tyrannie des minorités activistes. Personne ne saurait l’ignorer : si le peuple était consulté sur la plupart des problèmes régaliens de l’heure, l’immigration insécurité en particulier, les résultats seraient contraires à la doxa tant à droite qu’à gauche. Et l’invocation des droits de l’homme, combinée à une judiciarisation de plus en plus poussée de la politique, est le moyen dont se servent les élites libérales et gauchisantes pour contourner la volonté générale. Il est temps de revenir à l’esprit du ‘contrat social » de Rousseau ». L’on comprend que le défi est de taille. Le droit n’est plus au service de la paix nationale ou internationale (7). Enfin, pour couronner le tout, le confinement sanitaire débouche sur un confinement des esprits, propice à un rétrécissement des droits fondamentaux, les vrais et non leurs Ersatz.
LE CIMETIÈRE DES ILLUSIONS PERDUES
Ainsi, nous assistons, de nos jours, à un remake de la fable de Jean de la Fontaine intitulée :
« La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf » dont le texte est le suivant :
« Une Grenouille vit un Bœuf
Qui lui sembla de belle taille.
Elle qui n’était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse s’étend, et s’enfle, et se travaille
Pour égaler l’animal en grosseur,
Disant : Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n’y suis-je point encore ? Nenni. M’y voici donc ? Point du tout. M’y voilà ? Vous n’en approchez point. La chétive Pécore S’enfla si bien qu’elle creva. Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs,
Tout petit prince a des ambassadeurs,
Tout marquis veut avoir des pages ».
Trop de droits de l’homme tue les droits de l’homme. Toute société qui pense se réguler grâce à la seule vertu de la norme est vouée à la catastrophe. De protecteur, le droit devient au fil du temps inquisiteur. De facteur de promotion des libertés, il se transforme en fossoyeur de ces mêmes libertés. Que dire, à cet égard, de la sinistre maire de Poitiers, Léonore Moncond’huy, sorte de khmère verte, qui souhaitait restreindre le champ des rêves des enfants ?14 Pauvre France ! (8) D’une démocratie imparfaite, la France pourrait, si l’on n’y prenait garde, se transformer en parfaite dictature. Le moins que l’on soit autorisé à dire est que poids excessif des droits de l’homme, ou supposés tels, dans la vie de la cité conduit immanquablement à un affaissement de la démocratie dans l’Hexagone. Une sorte de juin 40 de la démocratie. En un mot, les droits de l’homme contre la démocratie ?
Ali Baba/Proche et Moyen-Orient.ch
https://prochetmoyen-orient.ch/orient-ations-330/#footnote7sym
Notes
- Hubert Védrine, Droits de l’homme (ou de l’individu ?) dans Dictionnaire amoureux de la géopolitique, Plon/Fayard, 2021, pp.131-132-133-134.
- Jacques Julliard,Les droits de l’homme contre la démocratie, Le Figaro, 6 avril 2021, p. 15.
- Ali Baba,Du mauvais usage des droits de l’homme, prochetmoyen-orient.ch , 22 janvier 2018.
- Ali Baba,France patrie des droits de l’homme ou patrie des droits des minorités ?, prochetmoyen-orient.ch , 29 mars 2021.
- Fabrice Arfi,La France et le Rwanda : « Des excuses s’imposent » selon Vincent Duclert, www.mediapart.fr , 7 avril 2021.
- Jean-Claude Michéa,Le loup dans la bergerie. Droit, libéralisme et vie commune, Flammarion, 2018.
- Jean Daspry,La paix par le droit ou le droit contre la paix, prochetmoyen-orient.ch , 14 mai 2018.
- Frédéric Pagès (propos (presque) recueillis par), Les interviews (presque) imaginaires du « Canard ». Léonore Moncond’huy : « Maintenant, il faut que j’atterrisse», Le Canard enchaîné, 7 avril 2021, p. 1.
Guillaume Berlat, France patrie des droits de l’homme ou de l’homme sans droits ?, www.prochetmoyen-orient.ch , 15 août 2016.