JESSICA DOS SANTOSRICARDO VAZ

Editorial / Vérités et conséquences de l’absolution de Lula/INVESTIG-ACTION

Edson Fachin, juge de la Cour Suprême Fédérale du Brésil, a annulé toutes les condamnations concernant l’ancien président Luís Inácio «Lula» da Silva, liées à la célèbre affaire «Lava Jato».

Ainsi, l’ancien président retrouve-t-il tous ses droits politiques et pourrait être candidat aux prochaines élections présidentielles de 2022.

Cette décision qui est une mesure préventive, constitue une réponse à l’habeas corpus présenté par la défense de Lula contre les agissements de l’ex-juge Sergio Moro.

En juillet 2017, le juge Moro avait condamné Lula, pour des raisons politiques clairement établies, à neuf ans et six mois de prison, pour corruption et blanchiment d’argent. Plus tard, l’ex-juge accepta d’être le ministre de la Justice du président Jair Bolsonaro, poste qu’il a occupé de janvier 2019 à avril 2020.

L’ex-président, quant à lui, a passé un an et sept mois en prison, d’avril 2018 à novembre 2019, date à laquelle il a été remis en liberté. Cette condamnation l’empêcha d’être candidat aux élections de 2018, à un moment où il se trouvait en tête des sondages d’opinion. De son côté, Lula a toujours nié les accusations portées contre lui et il a répété qu’il était victime d’un complot qui avait pour but de l’empêcher d’être candidat.

Après avoir pris connaissance de la décision du tribunal, Lula a affirmé qu’il avait été la « victime du plus grand mensonge juridique jamais rapporté en 500 ans d’histoire » et il a ajouté : « ce n’est pas encore le moment de penser » à une éventuelle candidature. Mais il a clairement fait comprendre qu’il n’abandonnerait pas l’arène politique: « Je veux consacrer les jours qu’il me reste à vivre, et j’espère qu’ils seront nombreux, à parcourir ce pays pour parler avec le peuple ».

L’ex-président a également déclaré que Bolsonaro est un « ignorant” qui “fait offense à la société brésilienne”, car il ne sait pas gérer la crise sanitaire et financière que traverse le pays. « Il est arrivé [au gouvernement] comme Macri, en disant qu’il allait résoudre les problèmes. La différence avec Macri, c’est que Bolsonaro est plus ignorant. Et que ça lui plaît d’être ignorant. »

Le leader historique du Parti des Travailleurs — qui a dirigé le Brésil entre 2003 et 2011 — a également critiqué le contraste saisissant entre les conditions de vie actuelles de la population et celles d’il y a quelques années.

C’est sous son gouvernement que le Brésil a connu l’une des périodes les plus prospères, avec des initiatives politiques telle que la «Bolsa Familia» (le panier familial) qui avait pour but de sortir des dizaines de millions de citoyens de la pauvreté. Lorsqu’il a quitté ses fonctions, Lula était crédité de 80% d’opinions favorables.

Bien qu’il n’ait pris aucune décision définitive, le scénario le plus probable c’est que Lula soit effectivement le candidat qui affrontera Bolsonaro l’année prochaine. Le Brésil connaîtra alors une nouvelle confrontation droite contre gauche, avec un espace possible pour des candidats centristes, et une campagne électorale extrêmement agitée. Tout cela dans un contexte où la pandémie atteint son pic avec plus de 250 000 morts et où le pays connaît une grave crise économique.

Un sondage d’opinion, publié ce week-end par le quotidien O Estadão de Sao Paulo, révèle que Lula capitaliserait plus de soutien politique que Bolsonaro. Selon ce sondage, 50% des personnes interrogées voteraient pour le candidat du PT s’il était à nouveau candidat, tandis que 44% déclarent qu’ils ne choisiraient ni Lula ni Bolsonaro.

Cependant, le chemin est encore long et l’actuelle impopularité de Bolsonaro ne garantit nullement une victoire électorale de l’opposition. En effet, le PT doit tirer les leçons de la défaite de 2018, quand on abandonna une perspective de gauche au profit d’un vague discours de «défense de la démocratie».

Pour impliquer à nouveau une grande majorité de citoyens, il est nécessaire d’assumer des choix politiques clairs et ne pas les diluer. Lula est assurément la meilleure option pour vaincre Bolsonaro, mais il faut pour cela qu’il s’adresse au peuple pour lui dire clairement qu’un changement de cap est indispensable, un changement qui favorisera les gens d’en bas au détriment des gens d’en haut. Modérer cette urgence dans le but de s’attirer la bienveillance de certains secteurs de la société, ce serait répéter l’erreur commise en 2018.

Bolsonaro, quant à lui, mise sur la polarisation, avec un groupe de partisans de plus en plus radicaux et de plus en plus armés. Le président actuel pourra recourir à son discours anticommuniste et compter sur le soutien des médias de l’establishment.

Enfin, l’issue de la bataille se joue également sur l’échiquier international. Pour des acteurs tels que l’OEA ou l’administration Biden, il peut être bénéfique de critiquer Bolsonaro pour s’attirer quelques bonnes grâces dans l’opinion publique. Cependant, l’actuel gouvernement d’extrême droite leur est infiniment plus utile que ne le serait un gouvernement « Lula » pour défendre les intérêts des multinationales et les projets impérialistes pour le continent.

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