Geopragma

Billet du lundi 02 juin 2025, rédigé par Gérard Chesnel, membre fondateur et membre du Conseil d’administration de Geopragma.

     On n’a pas fini de calculer les conséquences du récent affrontement entre l’Inde et le Pakistan au Cachemire. L’épisode le plus spectaculaire en est la possible (probable ?) destruction d’un ou de plusieurs avions de combat indiens de fabrication française (Mirage et/ou Rafale). Depuis trois semaines les deux camps se disputent pour établir le bilan des derniers engagements, chacun prétendant bien entendu avoir infligé des pertes significatives à l’ennemi. Il sera d’autant plus difficile d’établir la vérité que les deux camps manquent singulièrement de transparence dans cette affaire et ne peuvent notamment pas fournir de preuves de ce qu’ils avancent. Néanmoins, l’embarras évident de l’Inde et le triomphalisme sans doute exagéré du Pakistan ont suscité, chez ce dernier et en Chine, des réactions de l’opinion publique difficiles à contenir.

         En Chine en particulier, les réseaux sociaux ont passé en boucle des images de l’armée pakistanaise célébrant sa « victoire » et des photographies de débris d’avion qui auraient appartenu à un ou plusieurs Rafales. L’enthousiasme des Chinois est d’autant plus grand que l’avion français aurait été abattu par un J-10, avion de fabrication chinoise, censé être moins sophistiqué (mais peut-être plus fiable ?) que le Rafale. Ce triomphalisme est perceptible bien au-delà de la Chine ou du Pakistan jusque dans les communautés chinoises de France. Et Pékin met habilement en scène tout ce qui peut rabaisser l’aviation française, réputée jusqu’alors quasiment invincible, et la France toute entière : voilà un nouvel épisode de French bashing à la mode chinoise. Les pertes significatives de Dassault en bourse montrent que les milieux d’affaires, sans chercher à savoir le fond des choses, sont bien sur la même longueur d’onde.

     Dans ce contexte, on peut s’interroger sur l’état d’esprit de l’armée taiwanaise qui s’est dotée d’une soixantaine de Mirage 2000-5 voilà une trentaine d’années, à côté des F-16 américains. Et la situation de Taipeh est d’autant plus inquiétante que Xi Jinping maintient ses pressions pour la « réunification » de la patrie et que l’allié américain, avec Trump, semble moins sûr qu’auparavant. Certes, dans la rivalité qui oppose les Etats-Unis à la Chine, Taiwan représente pour Washington un atout stratégique important. Mais les préoccupations du Président américain semblent actuellement plutôt tournées vers le Groenland et Panama que vers l’Asie. Et le nombre d’exemples où Washington a lâché ses alliés, au fil de l’évolution de ses intérêts propres n’est pas fait pour rassurer.

  Pour l’industrie militaire française, il est crucial de restaurer son image. Les nombreux contrats de vente de Rafales actuellement en discussion notamment avec les pays du Golfe risquent de ne pas être honorés si la confiance disparaît. Peut-être avons-nous été trop rapides en dotant l’armée indienne d’appareils de dernière génération sans s’être assurés de la capacité des pilotes à les maîtriser. Lors de la vente des Mirage à Taiwan, les pilotes taiwanais avaient passé de longues semaines de formation en France. En a-t-il été de même avec les pilotes indiens de Rafales ? Toujours est-il que le mal est fait et que la pente sera difficile à remonter dans un contexte de concurrence internationale plus tendu que jamais.

 

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