Présentation.

Mahnâz Ansâriân est née à Téhéran où elle a passé sa jeunesse et fait ses études. Après diverses expériences professionnelles, l’ayant conduite à Paris et à Londres, elle est retournée dans son pays où elle s’est consacrée aux arts du spectacle, d’abord comme actrice, puis comme scénariste.

  Comment êtes vous venue à l’écriture ?

  « Ce n’est pas un événement particulier qui transforme en écrivain, c’est la sensibilité que l’on peut avoir à tout mouvement de l’âme, à toute pensée qui passe et  fait que l’on éprouve le besoin d’en tirer parti et d’en donner une forme achevée.

Mais, il y a une autre force  qui  produit l’écriture, c’est l’amour.

Quand l’amour entre en jeu, il nous submerge. Il devient impérieux d’apprivoiser les mots pour en donner une expression écrite ; on est devant quelque chose qu’il faut retenir, et c’est  plus fort que soi.

Comment définissez-vous l’amour ?

 On ne peut donner une définition globale de l’amour. C’est simplement un sentiment fécond. Il y’en a qui, par amour  finissent par s’anéantir, et d’autres qui s’épanouissent comme des bourgeons qui ne demandent qu’à devenir fleurs.

C’est aussi une sorte de foi. L’amour est un sentiment qui porte à la création. C’est un sentiment qu’on pourrait dire absolu parce qu’il n’est subordonné à rien qui le détermine dés lors qu’il est éprouvé en toute sincérité, or, il est partout, il imprègne la vie de la personne amoureuse et voyage avec elle.

L’aspect spirituel  est fondamental dans ce sentiment. Il y’a dans le cœur 

 Quelque chose qui est déposé comme un trésor, et induit l le meilleur des comportements et permet  toutes sortes d’épanouissements.

L’amour incite à la compassion et facilite la compréhension de l’autre ; on se met à sa place sans que la réciprocité soit exigée.

C’est une dimension spirituelle de la  solidarité avec les autres ; C’est la raison pour laquelle j’arrive à combler  certaines attentes mystérieuses en le décrivant.

Mais ce que j’écris n’est pas toujours compris ; cela demande que les autres aient  une expérience semblable à la mienne; ils ont des vies différentes et cela crée des murs  entre nous ; je crois qu’ils  n’ont pas la même chance que moi.

 C’est grâce à l’amour et sous son effet que je suis devenue actrice et  écrivaine.

Est-ce que Le roman est pour vous une fiction ou un engagement ?

Ce n’est pas le fruit d’une pensée à priori ; c’est simplement la conséquence de ce que je vois et constate et des expériences que je connais.

Est-ce un vécu ?

C’est un peu de moi même que j’infuse dans chacun de mes personnages

Et si on parlait de votre premier roman « Leyla » ?

J’ai voulu montrer comment un événement mineur arrive à créer une tragédie dans la vie d’une femme. Le fait qu’elle ne puisse avoir d’enfants, elle se voit exclut  de la société, elle est  victime d’une tradition vétuste et ancrée. Cette femme qui aimait tant son mari et qui ne voulait pas le mettre en conflit avec son milieu social et familial, accepte qu’il prenne une deuxième femme.

Cette obligation que l’on fait à l’amour de devoir déboucher sur une naissance ; ce ménage qui se construit sous le poids de la tradition est voué à l’échec.

Il faut comprendre que l’amour est comme un torrent qui nous emporte, il faut se laisser emporter, la résistance est un malheur.

En écrivant Leyla, j’avais présent à l’esprit le docteur Jivago, un homme déchiré entre un amour conventionnel et un autre authentique auquel il ne pouvait pas renoncer.

Pourquoi leyla  se soumet-elle au diktat de la tradition ?

Parce qu’elle n’est pas capable d’avoir des enfants elle se sent coupable ; c’est aussi par amour qu’elle finit  par accepter que son mari ait un enfant avec une autre femme. Elle se sacrifie ; l’important, c’est cette force de l’amour, qui la pousse à se surpasser, à aller au-delà  d’elle même.

Ce roman  a été porté à l’écran ?

Oui, par Dariouch Mehjoui, grand metteur en scène iranien, le film a été une très grande réussite artistique et a obtenu le prix Abraham Lincoln aux USA.

Pourquoi ce titre très précis « femmes iraniennes dans la pension de Montmartre » de votre deuxième roman ?

C’est une proposition de l’éditeur qui m’a beaucoup plu et je m y suis ralliée

Mon titre initial était simplement « la pension de Montmartre »

Pourquoi le choix de  Paris et Montmartre plus précisément ?

Il est des lieux qui ont la force d’inspirer, qui se saisissent des cœurs et des sens, Montmartre en fait partie.

 Je connais et aime beaucoup Paris et dans mon imaginaire, Montmartre est la quintessence du romantisme. Le lieu de la rencontre, de la pensée et de l’amour.

Il y a aussi une présence religieuse. La basilique du Sacré Cœur est un lieu d’apaisement pour les gens qui souffrent. Il était logique que je la choisisse comme un des décors de ce roman. Il ‘est très facile d’y rencontrer des étrangers et de se  sentir proche d’eux ; Montmartre est un village mondial introuvable ailleurs et dont j’adore les nuits.

On y voit des gens seuls sans être solitaires. Ils y viennent pour se libérer de leur solitude. C est un ’endroit où l’on ressent que la terre appartient à toute l’humanité.

La terre est certes la même là où l’on va ; une chose qui me frappe est l’unicité de la terre ; on  méprise la terre alors que c’est elle qui unit les êtres humains.

Elle est dépendante de l’action humaine, les hommes peuvent la rendre verdoyante ou la salir, elle est innocente de leur mauvaise action, elle est au dessus de tout ce qu’elle subit.

Pourquoi avez-vous voulu que les six femmes de la pension soient de confessions différentes ?

Malgré la diversité religieuse, ces femmes ont en commun des peines semblables. Elles baignent  dans l’amour et de ce fait, elles deviennent très proches les unes des autres, tellement proches qu’elles ne forment plus qu’une seule personne ou presque. L’amour est un lien qui transcende toutes sortes de différences. Et, la religion n’oppose les gens que lorsqu’elle est dirigée par la politique.

C’est le chagrin d’amour qui leur permet de prendre leur envol et du même coup tout ce qui les unit devient plus fort.

Seule la souffrance a ce pouvoir ?

On peut très bien imaginer le bonheur créant la même situation ; on aurait pu concevoir une compréhension intime  entre des femmes heureuses. Cela aurait pu être un autre roman.

Il y a plusieurs manières d’êtres proches les uns des autres et, il n’y a qu’une seule manière de s’en séparer, c’est d’aller chacun son chemin.

 De quel personnage vous vous sentez la plus proche ?

 De Setareh

 C’est vous?

Oui, en grande partie. Setareh vient d’Iran, de Téhéran, elle est porteuse d’amour, elle s’installe dans le lieu le plus apte à accueillir des gens différents et unis par la souffrance. Elle est l’unificatrice, elle est emblématique de la continuité entre l’amour et l’affection, elle trouve le bonheur quant elle donne d’elle même. Elle est respectueuse de la différence, elle est profondément croyante.

Quand on a vraiment la foi, on n’impose pas sa croyance, on en témoigne ; les injonctions sont du domaine de la politique.

Dans votre style d’écriture, on remarque un sens « balzacien » du détail, comment le justifiez –vous ?

 Je pense qu’à travers le petit détail on peut arriver à comprendre la personnalité de chacun. Le détail  montre de quoi est faite la vie.

Même si une parole échangée n’est pas importante, elle dévoile le caractère de chaque personnage.

A cause d’un détail, accident de la nature, la vie de Leyla se transforme en tragédie.il faut faire très attention aux détails, on ne sait pas lequel sera le plus déterminant dans  nos vies. Les plus grands événements peuvent  naitre de petits détails.

A cause d’un bout de tissu dans la chambre de Cassio ; Othello étouffe Desdémone et se suicide après  avoir découvert le stratagème.

Vous évoquez beaucoup  la tradition culinaire iranienne ?

Je voulais monter aussi le rôle de la cuisine dans la culture iranienne, elle permet de rassembler ; J’accorde une grande importance à la nourriture, je fais attention à ce que j’offre à mes invités.

Elle dégage beaucoup de parfum

 Les parfums  sont indissociables de l’humanité, les gens s’attachent et baignent ensemble dans des parfums qui les rendent heureux.

L’ornement et les parfums reflètent notre personnalité ; ils permettent  à Setareh de monter son affection pour ses pensionnaires.

Que pourriez vous nous dire de votre Le troisième roman « la perle l’île de kich »

Je préfère ne pas en parler pour le moment, c’est une autre histoire d’amour dans laquelle les cultures traditionnelles expliquent la nature de l’île.

La mer autour de l’île est presque  un personnage, elle fait aussi des confidences et dit ses chagrins. C’est au cœur de cette île dont la nature est très belle que survient une histoire d’amour

Les oiseaux, des figures mythiques comme des sirènes tiennent un rôle.

C’est surréaliste ?

Je pense que les sirènes correspondent à une réalité ; je crois à l’existence des sirènes ; elles ont du exister dans un passé quelconque.

De toute façon la vie réelle relève de l’irréel. Pourquoi ne pas croire aux légendes. Je pense que lorsqu’on lira mes romains dans quelques années ; ils paraitront irréels. Pourquoi ne pas croire dans des choses qui nous paraissent irréelles.

 Est-ce que les tragédies de Shakespeare ne ressemblent pas à des mythes ?

Si nous voulons vraiment examiner la réalité intégralement, on arrive à y trouver quelque chose qui relève du merveilleux et de la légende.

Donc tous les romans sont des fictions ?

La réalité est mythologie plus on se veut réaliste plus on entre dans le merveilleux

Quelles sont les influences que vous avez subies ?

Aucune, quand j’écris je ne cherche pas à me référer à des modèles, j’écris ce qui me vient à l’esprit.

Est-ce que vous pouvez nous parler des écrivains contemporains ?

Je peux parler des poètes classiques ?

Omar al Khayyâm  ?

 Un homme d’une grande élévation spirituelle. Il voit tout l’univers à travers l’amour,  et l’amitié; c’est dans ce monde d’ici- bas que l’on aperçoit le monde d’en-haut

Jalal Eddine roumi ?

C’est l’un des mystiques les plus connus et les plus universels. Sa vie fut bouleversée par la rencontre de Chams de Tabriz dont l’itinéraire spirituel était fort impressionnant. Cette rencontre a ouvert à Jalal Eddine la voie de la contemplation. De leur  histoire d’amour spirituel est née une œuvre : la religion de l’amour » 

Ya t-il une écriture féminine pour parler de l’amour ?

Bien sur, les femmes en parlent à leur manière. Néanmoins, Les hommes et les femmes sont unis par des vues complémentaires

Ils sont  tous portés par la force de l’amour avec un regard différent, mais c’est le Même amour regardé sous des angles différents

Parlez nous de l’Iran

 C’est un pays très hospitalier, le soleil imprègne l’esprit des iraniens ; chaque maison même très modeste est conçue pour recevoir des invités » l’invité est l’ami de Dieu » dit un proverbe de chez nous

Quel est votre projet d’écriture ?

Je viens de commencer la première rédaction d’un livre intitulé « Mademoiselle de Montmartre »

 Un mot de la fin

Je suis très heureuse d’avoir fait ta connaissance. J’ai senti que tu étais très sensible à ce que je raconte,  tu as prêté une oreille attentive à toutes ces confidences ; sans doute, parce que tu es une femme. J’aimerais te recevoir en Iran.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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