Publié par: Etienne Meyer-Vacherandle:Afrique-Asie
Le Safer est immobilisé depuis 2015, otage du conflit opposant gouvernement yéménite et rebelles houthistes. Le Conseil de sécurité examine son cas ce jeudi: son naufrage pourrait aggraver encore la situation humanitaire du pays et provoquer une des plus grandes marées noires de l’histoire.
Revue de presse (Le temps de Genève)
Etienne Meyer-Vacherand
«L’ONU doit agir maintenant pour éviter ce qui pourrait être la plus grande catastrophe pétrolière dans la région au cours de ce siècle», exhorte Jennifer Morgan, directrice de Greenpeace dans un communiqué. Alors que le sort du pétrolier Safer doit faire l’objet d’une réunion du conseil de sécurité de l’ONU ce jeudi, l’ONG supplie l’organisation de trouver une solution au cas de ce navire, qui menace «de se briser ou d’exploser à tout moment.»
Depuis 2015, ce bâtiment est immobilisé au mouillage à environ 7 kilomètres des côtes du pays, pris par le conflit opposant les rebelles houthistes et le gouvernement yéménite soutenu par l’Arabie Saoudite. Le supertanker se trouve en zone contrôlée par les rebelles, au nord du port d’Hodeida en mer Rouge. Depuis 1988, le bâtiment sert de stockage flottant pour du pétrole acheminé par le principal oléoduc du Yémen.
Un navire à l’abandon
En six ans, aucune opération de maintenance n’a été menée sur ce bateau mis en service en 1976, malgré les alertes récurrentes sur son état. À l’été dernier, l’ONU avait déjà tenu une réunion exceptionnelle pour l’envoi d’une mission après avoir appris qu’une fuite d’eau avait été constatée dans la salle des machines.
Mais depuis les négociations avec les rebelles seraient au point mort, malgré un accord signé en novembre 2020 pour une mission en février dernier. Ces derniers se disent prêts à laisser l’ONU extraire le pétrole du navire, mais avant de lancer ces opérations, l’organisation souhaite pour évaluer de manière indépendante l’état du Safer. Une première tentative d’envoyer des techniciens avait échoué en 2019.
Après le cas du porte-conteneurs qui a commencé à couler mercredi au large du Sri Lanka dans l’Océan indien, c’est la deuxième alerte pour un risque de marée noire en une semaine. Au-delà du désastre écologique, Greenpeace pointe aussi du doigt les risques humanitaires que pose la situation.
Une marée noire potentiellement quatre fois supérieure à celle de l’Exxon Valdez
D’après une estimation de l’Organisation maritime internationale, le Safer contient plus de 1,1 million de barils, soit 150 000 tonnes de pétroles. A titre de comparaison, le X-Press Pearl qui suscite l’inquiétude au Sri Lanka transporte environ 340 tonnes de carburant. En cas de marée noire, la quantité de pétrole qui pourrait se répandre serait donc quatre fois supérieure à celle de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989 souligne un rapport du conseil de sécurité de l’ONU.
Cette marée noire pourrait endommager profondément l’écosystème de la mer Rouge mais aussi aggraver la situation humanitaire du pays. Une étude publiée en avril dernier par le projet ACAPS, créé par trois ONG à Genève, estime qu’une fuite du pétrole pourrait toucher, 1,6 million d’habitants, essentiellement au Yémen. Mais en cas d’incendie, ce serait près de 7 millions de personnes qui seraient affectées par la pollution qui en découlerait.
Ces projections montrent que les récoltes seraient touchées, mais aussi que la pollution empêcherait l’industrie de la pêche de fonctionner, dans un pays déjà touché par la famine. Le port d’Hodeida pourrait devoir être fermé jusqu’à six mois selon l’ONU, alors qu’il constitue la principale source d’approvisionnement du pays qui importe 90% de sa nourriture.
De par son emplacement, à l’entrée de la mer Rouge, une marée noire ou une explosion du pétrolier pourraient aussi entraver une partie du commerce mondial alors qu’une des principales routes maritimes passe à proximité.
Le Temps de Genève