A l’instar de beaucoup d’Américains, les populations occidentales sont dans leur ensemble convaincues que l’Islam a produit une culture de terroristes anti-occidentaux.

En effet, Al-Qaïda et d’autres organisations terroristes professent les crimes au nom de l’islam et leurs exactions répétées ont fini, au fil du temps, par engendrer une véritable psychose autour de l’Islam et des musulmans. Des milliers de personnes ont été assassinées depuis le 11 septembre 2001, la plupart étant des civils. Pourtant, les actions de ces fanatiques ne représentent nullement l’immense majorité des 1,6 milliard de musulmans disséminés à travers le monde.

Cette communauté, riche de sa diversité, ne peut être confondue avec cette infime minorité. Une enquête exhaustive menée par l’institut américain de sondages, le Gallup World Poll, a mis en exergue un certain nombre de faits sur les musulmans et sur leurs points de vue, des vérités quasi invisibles dans les grands médias traditionnels et des gouvernements. Ces musulmans, jusqu’à présent, ont été éclipsés par les actions d’une minorité qui diabolise publiquement l’Occident, considéré comme l’ennemi de l’islam, en lui imputant la responsabilité de tous les problèmes sociaux et économiques qui minent en profondeur les pays majoritairement musulmans. Mais les terroristes ne sont pas les seuls responsables de cette incompréhension à travers le monde.

À bien des égards, la mauvaise communication entre les deux parties, parmi les gouvernements et les médias, a créé une fracture entre « nous et eux » et une vision monolithique de l’islam. Cette perception paroxystique est à la fois incorrecte et simpliste, comme l’a révélé le sondage de Gallup.

Les musulmans incarnent une population diverse et dynamique qui rejette toute forme de terrorisme. L’ingérence de l’Occident, l’autocratie ou l’oppression continuent de sévir beaucoup trop encore au Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, les politiques et les actions des gouvernements s’avérant généralement en total décalage avec les aspirations du peuple.

Sur la base de la minutieuse enquête réalisée par Gallup, il ressort qu’un «conflit de civilisations» ne paraît pas inévitable entre l’Occident et les musulmans. Le problème relatif à l’image de l’islam provient avant tout d’une essentialisation de cette spiritualité. L’Occident en général, et les Etats-Unis en particulier, jugent les musulmans et l’islam sur les actions d’une minorité extrémiste qui agit au nom d’une théologie militante, à l’origine de la radicalisation politique de la religion.

L’enquête d’opinion réalisée par Gallup World a posé les questions suivantes afin de mieux appréhender ce qui caractérise la population musulmane mondiale.

  • Quelle est la racine de l’anti-américanisme dans le monde musulman?
  • Qu’est-ce qui explique les perceptions occidentales de l’islam et des musulmans?
  • Quel type de gouvernement veulent les musulmans : la théocratie ou la démocratie, et quelle influence aura la Charia dans la législation ?
  • Les femmes musulmanes, dans l’ensemble, se sentent-elles opprimées?
  • En quoi les extrémistes islamistes diffèrent-ils du courant majoritaire?
  • Comment peut-on modifier ces perceptions faussées, altérées de l’islam ?

Des réponses très précises et détaillées, fournies par des milliers de musulmans sondés à travers le monde, ont révélé des conclusions surprenantes de nature à bousculer les stéréotypes :

– Tout d’abord, les musulmans n’ont pas une vision monolithique de l’Occident. Bien au contraire, ils font clairement le distinguo entre les différents pays qui le composent, et quand ils émettent des critiques, elles sont ciblées et non généralisées.

– Les rêves des musulmans ne différent pas des autres peuples. Eux aussi rêvent d’un avenir économique radieux, pourvoyeur d’emplois et de bien-être social, aspirent à bénéficier d’un bon système de santé, et non de livrer une guerre incessante dans un djihad mortifère, ou autres fantasmes du même ordre…

– Les musulmans désapprouvent, tout aussi fermement que les Américains, les radicaux et leurs attaques contre des civils. 93% d’entre eux ont condamné sans réserve les attaques du 11 septembre 2001, les 7% restant estimant que ces attentats ont été commis pour des raisons politiques et aucunement religieuses.

– Les musulmans admirent la technologie et la démocratie de l’Ouest, notamment les droits de l’homme.

– Les musulmans constatent une décadence morale de l’Occident, ainsi que la dégradation de ses valeurs traditionnelles, tout autant que la population américaine.

– Les femmes musulmanes veulent des droits égaux et souhaitent que la religion fasse partie de la vie en société.

– Les musulmans pensent que les relations avec l’Occident pourraient être apaisées et améliorées, à condition que les dirigeants occidentaux n’imposent pas leurs vues et fassent preuve d’un plus grand respect à leur égard.

– Comme les Américains, la majorité des musulmans ne veulent pas que leurs chefs religieux se mêlent de leur Constitution, mais sont toutefois favorables à ce que la loi religieuse soit une source d’inspiration pour la législation.

En ce qui concerne la perception occidentale des musulmans, ces derniers déplorent vivement qu’après chaque attaque terroriste touchant des civils, malgré la condamnation unanime de tous les hauts dignitaires religieux (y compris des plus rigoristes en Arabie Saoudite et dans les émirats du Golfe persique), les grands médias occidentaux ne s’en fassent pas l’écho, ou si peu.

La méthodologie mise en place par Gallup a permis de recueillir des données provenant d’enquêtes approfondies, menées entre 2001 et 2007.

Les personnes sondées représentent 90% des 1,6 milliard de musulmans vivant dans plus de 35 pays, majoritairement musulmans ou composés d’une forte population musulmane. Gallup a interviewé au moins 1 000 personnes dans chaque pays. Les entrevues ont duré une heure ou 30 minutes au téléphone.

Il est à noter que sur les 1 000 personnes interrogées dans chaque pays, les répondants, jeunes et moins jeunes, avec des antécédents et des niveaux d’alphabétisation différents, ont été choisis au hasard, à la fois en milieu urbain et rural, afin d’éviter une focalisation disproportionnée sur les villes. Les données de ces enquêtes sont à la base du livre, ce qui permet aux statistiques de déterminer les réponses.

Dalia Mogahed est membre de l’Advisory Council on Faith-Based and Neighborhood

Partnerships, un conseil consultatif d’associations religieuses et laïques auprès du président des États-Unis. Cette ancienne conseillère de l’ère Obama, la première voilée de son administration, occupe la fonction de directrice exécutive du département des études islamiques de l’institut Gallup, aux côtés du Dr Eboo Patel. Elle est le second membre de confession musulmane de ce conseil qui en comprend 25.

John Louis Esposito est un professeur américain d’affaires internationales et d’études islamiques à l’université de Georgetown, à Washington. Il est aussi le directeur du Prince Alwaleed Center for Muslim and Christian Understanding, à Georgetown.

Source:Oumma.Com

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